City, le ciel bleu de Manchester
Durant de longues décennies, Manchester City a vécu dans l’ombre de son voisin rouge. Mais depuis 2008, année de la reprise du club par le Cheikh Mansour, le rapport de force s’est progressivement inversé. Un des joueurs phare, Kevin De Bruyne, n’est pas étranger à ce succès. Retour sur une montée en puissance irrésistible. Par notre journaliste Serge Radermacher.
Des Cityzens modèles
Battu par Chelsea en finale de coupe d’Europe mais cinq fois champion d’Angleterre depuis 2012, Manchester City est actuellement le club alpha en Premier League. Le ciel n’a pourtant pas toujours été bleu à Manchester. Fondé en 1880, Manchester City a longtemps vivoté dans l’ombre de son diable rouge de voisin. Les Sky Blues ont, certes, connu une période dorée à fin des années 1960 (champion d’Angleterre, vainqueur de la Coupe des Coupes, etc.). Mais force est de constater que la réputation de City reposait plus sur la férocité de ses supporters issus de l’infréquentable Moss Side (quartier de l’ancien stade, Maine Road) que sur la flamboyance du football pratiqué. Sans oublier l’indécence d’une chute en troisième division avant le passage vers le 21e siècle.
Mais en 2008, le chèque royal du Cheikh Mansour pour acquérir le deuxième club mancunien change totalement la donne. City entre dans une nouvelle ère qui porte le nom, ironie du sort, du groupe Abu Dhabi United. Le démarrage est progressif. Mais à coups de pétrodollars, le club devient aussi puissant que Man. United ou Chelsea et le onze de base se starifie. Kompany, Tevez, Vieira, Yaya Touré ou Dzeko mettent le club sur la voie du succès avec la Cup de 2011 et la Premier League de 2012.
Le bolide bleu ciel est lancé et plus rien ne peut l’arrêter. Même pas les règles du fair-play financier imposées par l’UEFA, dribblées avec finesse devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) en 2020. Il faut dire qu’avec plus de 2 milliards d’euros dépensés en joueurs depuis 2008, City a les moyens d’assurer sa défense, et pas seulement sur le terrain sportif !
L’Etihad Stadium est aussi un lieu de contraste. Si, treize ans après la révolution de palais, la Ligue des Champions reste le Graal du propriétaire émirati, les supporters continuent à huer l’hymne sacré de la plus prestigieuse des compétitions continentales. Une tradition née, selon les Cityzens, de l’acharnement perpétuel de l’UEFA envers leur club.
Peu importe le nombre d’années ou de millions de livres sterling, Manchester City finira par gagner cette Ligue des Champions. Car quand on aime le succès, on ne compte pas.
Relax with Pep
Génie, visionnaire, perfectionniste, gourou… Les qualificatifs ne manquent pas pour décrire le manager catalan, arrivé à Manchester City en 2016. L’entraîneur a remporté 31 titres en 12 saisons. L’homme, lui, est incapable de penser à autre chose qu’au football plus de 32 minutes, selon ses assistants ! City et Pep étaient faits pour se rencontrer. L’un pour importer une identité de jeu capable de faire oublier celle, dérangeante, de nouveau riche. L’autre pour avoir les moyens de remporter à nouveau le plus prestigieux des trophées européens et prouver qu’après ses triomphes de 2009 et 2011 avec le Barça, il pouvait aussi gagner sans Lionel Messi. La 6ème saison de Guardiola à City sera-t-elle enfin la bonne ?
Ses débuts dans le nord de l’Angleterre ne furent pas aisés. Pep constate que « le ballon est plus souvent en l’air qu’au sol », sacrilège suprême, car il est obsédé par la maîtrise de celui-ci sur chaque pouce de terrain. Malgré une première saison blanche, le Catalan s’entête. Avec l’arrivée du gardien Ederson, City encaisse moins. Et continue à marquer des buts à la pelle. Du coup, les Sky Blues écrasent la concurrence et atteignent, en 2018, la barre mythique des 100 points en Premier League ! Un titre reconduit 12 mois plus tard (mais avec « seulement » 98 points) et incarné par la frappe légendaire dans la lucarne de Vincent Kompany lors de l’avant-dernière journée.
Après le sacre de Liverpool en 2020 et un début de saison suivante raté (la défaite 2-5 face à Leicester en septembre), Pep doute pour la première fois de sa carrière. Mais il se ressaisit rapidement. Avec l’arrivée de Ruben Dias (le 7e défenseur à plus de 50 millions d’euros de l’ère Guardiola) et le concept de faux n°9 remis au goût du jour en l’absence du buteur Agüero, City entame en décembre une incroyable série de 21 victoires consécutives toutes compétitions confondues. Cette domination insolente offre à Guardiola une Coupe de la Ligue en avril (la 4ème consécutive) et la Premier League en mai (la 3ème en 4 saisons).
Même s’il manque encore l’ivresse européenne, Guardiola s’érige en cador dans le championnat des « supers managers ». Si l’Angleterre a inventé le football, Pep l’a amélioré !
Le nouveau King Kevin De Bruyne
Kevin est un prénom destiné à briller dans le football anglais. Plus de 40 ans après Keegan, De Bruyne est le nouveau King Kevin. Chelsea, et Jose Mourinho, ne l’avaient pas compris en 2013. Le Limbourgeois était donc parti faire ses gammes en Bundesliga, où ses 20 passes décisives réussies lors de la saison 2014/2015 ont illuminé le regard des supporters de Wolfsburg (un record battu par le Munichois Thomas Müller en 2020). Dans la foulée, il revient en Premier League par la grande porte, ouverte pour la modique somme de 75 millions d’euros par Manchester City. L’arrivée de Pep Guardiola en 2016 est une révélation pour le joueur formé à Genk.
Si Kevin De Bruyne reconnaît, a posteriori, avoir galéré afin de comprendre la philosophie du nouveau manager, il devient, sur le terrain, le maître de conférence du Catalan. Et sa panoplie de joueur s’élargit : à droite, à gauche, dans l’axe, en retrait, en faux n°9… Lorsque Fernandinho ne joue pas, il porte même le brassard de capitaine. D’enfant footballeur surdoué, il est devenu l’un des joueurs les plus complets du circuit.
Pierre-Étienne Minonzio, journaliste au quotidien français L’Equipe, résume bien la situation : « les super-pouvoirs de De Bruyne sont moins visibles que pour d’autres joueurs. Moins rapide que Kylian Mbappé, moins décisif que Cristiano Ronaldo ou encore moins étincelant que Neymar, il a pourtant des atouts évidents qui font de lui l’un des cinq meilleurs au monde ! »
La carrière des grands joueurs est jugée à la lecture du palmarès. Il manque au Limbourgeois un sacre européen, un titre avec les Diables Rouges et un Ballon d’or, remporté deux fois par l’ancien King Kevin. Mais cela ne nous empêchera pas de nous régaler de ses passes « offrandes » et de ses tirs au laser. Cette saison en Premier League, Kevin De Bruyne a marqué 11 goals et délivré 14 assists. En finale de Ligue des Champions, face à Chelsea, il a quitté, la mort dans l’âme, le terrain avec un œil poché. Un comble pour celui dont Pep Guardiola affirme « qu’il voit tout sur un terrain ! ».
Astuce
Passionné par la rivalité entre Manchester City contre Manchester United ? Notre journaliste Bruno Taverne décrypte le match pour vous !
Adios Sergio, te amamos
Dimanche 13 mai 2012. City of Manchester Stadium. L’équipe locale accueille le modeste Queens Park Rangers pour la dernière rencontre de la saison. Au coude à coude avec Man. United, les Sky Blues doivent gagner pour remporter leur premier titre anglais en 44 ans. Mais rien ne se passe comme prévu. City est mené jusqu’à ce que le Bosnien Dzeko égalise d’une tête rageuse à la 92ème minute. Le réveil semble trop tardif. United, de son côté, est prêt à faire sauter le champagne. Dernière attaque de City : Sergio Agüero trouve un relais avec Mario Balotelli dans le rectangle, se décale côté droit et croise sa frappe… Le chrono, qui indique 94 minutes et 15 secondes, semble se figer dans le temps. Celui que l’on surnomme El Kun vient d’inscrire le but le plus important de sa carrière. Il enlève son maillot, le fait tournoyer au-dessus de sa tête et se lance dans une course sans fin au milieu d’un stade en ébullition. Ces images sont entrées dans l’histoire du football anglais. Sergio Agüero est entré dans l’histoire de Manchester City. Il est, avec Vincent Kompany, le joueur emblématique de l’arrivée des Sky Blues dans le cercle élitiste du Big 6 (avec Man. United, Liverpool, Chelsea, Arsenal et Tottenham).
Avec 260 buts en 390 matchs, il a été, durant 10 saisons, le « serial » buteur du club. Mais toutes les histoires, même les plus belles, ont une fin. S’il n’a pas réussi, en quelques minutes de jeu, à empêcher la défaite en finale de Ligue des Champions, il a par contre pris congé de l’Etihad sur un dernier coup d’éclat. Monté à la 65ème face à Everton lors de la dernière journée de Premier League, il réussit un inoubliable doublé devant 10.000 fans venus lui rendre un ultime hommage. Comme pour son deuxième but, inscrit au terme d’une séquence de 42 passes. C’est comme si ses équipiers avaient décidé que l’Argentin était le seul à pouvoir terminer l’action devant le but adverse, quitte à tourner en rond avec le ballon en attendant qu’il soit à la bonne place…
« Les événements qui touchent à la légende promettent l’imprévisible, diffèrent le destin »pensait l’écrivain André Malraux. Le destin de Sergio Agüero et de Manchester City s’est lié un dimanche de printemps, il y a 9 ans déjà…
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