Liverpool, le malade inimaginable

Si dans la vie, tout est une question de perspective, alors en football, c’est d’autant plus vrai. Avant de se déplacer à Old Trafford lundi soir, les Reds n’étaient pas considérés comme en crise. L’inverse de Manchester United. Après le match, United est passé devant Liverpool et semble avoir lancé sa saison. Pour les hommes de Klopp, c’est le naufrage. Avant que tout ne change à nouveau ce week-end ? Perspective.

Comment imaginer une équipe comme Liverpool malade ? Comment imaginer qu’une équipe finaliste de la dernière Ligue des Champions, deuxième en championnat avec 92 points et 94 buts marqués l’an dernier et gagnante des deux dernières Coupes nationales, soit aujourd’hui considérée comme infirme ?

Certes, en football, les situations de crise sont toujours moins graves en réalité que les discussions qui les commentent, et peuvent se rétablir bien plus vite que prévu. Car avant de connaître cette période faste, le Liverpool contemporain a déjà connu une situation délicate. Et il ne faut pas remonter bien loin. Le parallèle est d’ailleurs troublant.

Bis repetita

Début 2021, les Reds ont subi une série de 9 matches de Premier League dont 6 défaites et une subie face à l’ennemi de l’autre côté du Stanley Parc : Everton. Une période compliquée qui contrastait avec celle vécue quelques mois auparavant. Liverpool avait gagné la Ligue des champions quelque mois plus tôt et était champion d’Angleterre en titre. Le schéma se répète-t-il pour les hommes de Klopp ? Premièrement, deux éléments peuvent laisser supposer que non. D’abord, le contexte. Les matches se jouaient à huis clos à cause la situation sanitaire et inutile de préciser l’importance du public d’Anfield (4 de ces 6 défaites ont eu lieu à domicile). Aujourd’hui, le stade est bien rempli. Ensuite, la durée de « crise ». La saison actuelle n’est vieille que de trois matches. C’est bien trop tôt que pour se dire que le mal de Liverpool est profond.

Par contre, là où les situations se ressemblent, c’est dans le nombre de joueurs indisponibles. Début 2021, c’était surtout défensivement que les carences étaient claires. Van Dijk et Matip étaient deux blessés de longue durée. Ainsi que Gomez. Fabinho était aussi souvent indisponible. Klopp a donc dû s’arracher les cheveux pour composer une défense qui tenait la route. Tantôt avec Henderson, tantôt avec Fabinho, deux joueurs clés du milieu de terrain. Nathaniel Phillips, 23 ans et pas vraiment destiné au noyau pro, a dû jouer les pompiers de services avec plus ou moins de service, alors que Kabak et Davies étaient arrivés en prêt, dans un certain climat de panique. Tout cela pour dire que des carences à un certain poste de l’équipe ont bien failli mettre en péril toute une saison (Liverpool a tout de même terminé 3^e lors de la saison 2020/21).

Cette saison 2022/23, c’est à un autre poste que les choses pourraient devenir difficiles. En effet, le milieu de terrain des Reds est, d’une part, vieillissant et fragile, et d’autre part, n’a pas été renforcé cet été. Le jeune Fábio Carvalho, un milieu offensif de 19 ans, est certes arrivé en provenance de Fulham, mais ne peut prétendre à un rôle de titulaire.

Face à Manchester United, on dénombrait beaucoup d’absents au milieu, Naby Keita, Curtis Jones, Thiago Alcantara, Alex Oxlade-Chamberlain ou encore Diogo Jota, mais aussi en défense, Ibrahima Konaté, Joel Matip et le nouveau venu Calvin Ramsey. Cela fait beaucoup et Klopp a été forcé d’aligner un trio médian assez particulier avec un Jordan Henderson, diminué physiquement, James Milner, bientôt 37 ans, et le poupon Harvey Elliott, 19 ans.

Face à un Manchester United, même malade, c’est trop juste.

La terre du milieu

Est-ce la faute à un mercato trop calme ? Du côté des arrivées, on ne peut pas dire que l’été fut pauvre. Le recrutement de Darwin Nunez pour 75m€ est un transfert que peu de clubs peuvent se permettre. Les jeunes Carvalho et Ramsey sont venus compléter le panier. Mais c’est surtout dans le sens des départs que cette fenêtre de transfert a été marquante, vu le départ de Sadio Mané vers le Bayern Munich. Et il semblerait que le monde de l’après-Sadio est plus sombre qu’imaginé. Klopp allant même jusqu’à parler de « malédiction de sorcière » blessant des joueurs clés, suite à la presque indifférence de ce départ.

Mais Mané était un attaquant. Et face aux Red Devils, le mal venait plutôt de l’entrejeu. Le fait d’avoir été dépassé et dominé par une équipe de Manchester United que Liverpool avait battu 9-0 sur l’ensemble des deux matchs la saison dernière reflète bien la diminution de la puissance de la colonne vertébrale de Liverpool. Liverpool a peut-être minimisé l’impact de la perte de Mané en attaque, l’avenir nous le dira, mais a clairement fermé les yeux sur un problème qui impacte son milieu, et depuis longtemps déjà. Car, s’il y avait des absents face à United, il suffit d’analyser les joueurs qui composent ce milieu pour se rendre compte que le problème est latent.

Naby Keita, arrivé depuis Leipzig en 2018, entame sa 5^e saison avec les Reds et aura passé tellement de temps à l’infirmerie qu’une salle de soin du centre d’entraînement portera peut-être son nom après son départ. Le Guinéen a raté plus de 60 matches à cause de ses blessures. Oxlade-Chamberlain, arrivé une saison plus tôt, a manqué quasiment 80 matches. Mis bout à bout, cela fait presque deux saisons complètes. Pour Thiago, véritable plaque tournante du milieu, on approche de la cinquantaine de matches. Fabinho s’est déclaré indisponible une petite trentaine de matches, mais souvent au pire moment. Enfin, le capitaine, Henderson n’a pas pu disputer une vingtaine de rencontres sur les deux dernières saisons seulement.

Certes, c’est le lot de toutes les équipes d’avoir des joueurs blessés plus ou moins longtemps et plus ou moins souvent, mais il est difficile à croire que les gestionnaires d’un club comme Liverpool n’ont pas été en mesure de le voir aussi. « Pourquoi avoir besoin d’un milieu de terrain en plus ? » se demandait avant le début de la saison, avant de citer la liste. « Fabinho, Henderson, Thiago, Milner, Keita, Curtis Jones, Harvey Elliott, Fabio Carvalho, Oxlade-Chamberlain. Maintenant, vous me dites quel type de joueur il nous manque ? ». Difficile de lui donner tort vu de cette perspective-là. Enfin sauf quand on sait que depuis quatre d’entre eux se sont blessés. Pourquoi ne pas recruter alors ?

Il est vrai que le club n’est pas (plus) du genre à faire des folies sur le marché des transferts. C’est une philosophie adoptée depuis quelques années et il est exact que les échecs se font rares. Liverpool, à l’instar d’autres clubs, ne va jamais dépenser 50 millions pour un joueur de trente ans. La dernière fois que le club a fait preuve de précipitation, c’était justement début 2021 en signant Ben Davies et Ozan Kabak en prêt. Klopp a d’ailleurs, plus tard, laissé entendre que c’était une erreur de ne pas s’en tenir aux jeunes qu’il avait à sa disposition.

Cette obsession à vouloir le bon joueur au bon moment est louable dans le football actuel. Mais pourrait bien coûter cher sur le long terme. Certes, la réponse de la crise de la défense a été le recrutement de Konaté. Mais il est sans doute arrivé un an trop tard, surtout quand on connaît la manière qu’à Klopp de prendre le temps avec ces nouveaux joueurs. Aujourd’hui, les vieux démons semblent ressurgir à la surface. Fallait-il engager un milieu supplémentaire cet été au lieu de se réserver pour le prochain mercato ? Ce sera toute la question de ce premier tour. En attendant, Liverpool est, si pas malade, enrhumé et devra rapidement trouver un remède.

Le programme du week-end sur VOOSPORT WORLD :

Samedi

13:30 – SOUTHAMPTON – MAN. UNITED (en clair sur Divertissez VOO)

15:45 – GOALS OF THE DAY (Avec LIVERPOOL – BOURNEMOUTH)

18:30 – ARSENAL – FULHAM

Dimanche

15:00 – ASTON VILLA – WEST HAM

17:30 – NOTTINGHAM FOREST – TOTTENHAM