Newcastle, du pétrole, mais surtout des idées

On le sait, Newcastle est désormais membre du club des nouveaux riches en Premier League. Un apport financier qui a clairement propulsé le club aux premières places du classement. Sauf que l’argent a été dépensé intelligemment et l’osmose entre manager et joueur est totale. De quoi rendre le club attachant, sportivement parlant en tout cas.

Un club repris par un consortium étranger, cela n’a rien d’exceptionnel dans le football moderne. Cependant, le rachat de Newcastle United par un fonds d’investissement saoudien avait soulevé pas mal de questions en octobre 2021. En effet, derrière cette reprise, le Public Investment Fund (PIF), soulevait la controverse vu ses liens étroits avec l’Arabie saoudite, bien que la Premier League clamait le contraire. Il n’est pas ignoré qu’en termes de respect des droits de l’homme, l’Arabie saoudite n’est pas championne du monde. Le pays est classé 170e sur 180 dans le classement mondial de Reporters sans Frontières à propos de la liberté de la presse et plusieurs dizaines de journalistes y sont actuellement détenus. Sans parler des droits des femmes, des droits de la communauté LGBTQI+ ou de la liberté d’expression. Entre autres. Dans ce contexte, outre le sportif, on parlait surtout éthique.

La vérité du terrain

Mais force est de constater que depuis, ces polémiques ont été mises sous le tapis. Car la réussite sportive et l’ingéniosité des choix footballistiques ont pris le dessus. Il faut dire que pour un nouveau riche, Newcastle s’est montré assez sage sur le marché des transferts. Dès les premières semaines post-reprise, Eddie Howe était arrivé sur le banc, tandis que lors de la fenêtre de transfert hivernale, 100 millions avaient été dépensés pour des recrues à vocation défensives comme Trippier, Burn et Bruno Guimarães, ainsi que Chris Wood devant. On était loin des Messi, Bale ou encore Kane, que tout le monde envoyait dans le Nord de l’Angleterre vu les nouveaux moyens financiers « astronomiques » qu’allaient avoir les Magpies. Mais on avait alors privilégié la solidité défensive, étant donné que le club se trouvait dans la zone rouge (19^e avec 5 points en 11 matches). Logique, se dit-on, mais pas forcément de coutume quand il s’agit de recruter. Si les résultats directs n’avaient pas spécialement été plus favorables, Newcastle décrochait cependant sa première victoire en championnat sous Eddie Howe le 4 décembre. Avant d’entamer, début 2022, une série de 7 matches sans défaite. Pour finalement terminer la saison à une miraculeuse 11^e place.

Cette saison 2022/23, le club a dépensé 185 millions sur le marché des transferts avec ses premiers « craquages » pour Alexander Isak (70 millions) et Anthony Gordon (45 millions). Alors que dans le même temps, Newcastle renforçait encore un peu plus sa défense avec le gardien Nick Pope et les défenseurs Botman et Targett. Une relative sagesse sur le marché des transferts, en totale contradiction par rapport à la politique que d’autres clubs comme Chelsea actuellement, ou le PSG par le passé, ont mené. Autrement dit, acheter cher et en grande quantité. Ce qui a le don d’irriter de nombreux amateurs de football. Newcastle a évité cela et sa politique porte ses fruits.

Parole à la défense

Actuelle meilleure défense de l’élite, avec 24 buts encaissés en 30 matches, Newcastle occupe les places qualificatives pour la Ligue des Champions. Disputer les poules de la C1 serait une première depuis la saison 2002/03. Alors pourquoi cela fonctionne ?

Car, d’abord, le new Newcastle s’est forgé, dans un 4-3-3 bien huilé, une colonne vertébrale solide autour de joueurs clés. D’abord avec le gardien, Nick Pope, un dernier rempart ultra complet. Devant lui, une ligne défensive emmenée par un Kieran Trippier, devenu capitaine et leader du club en quelques mois à peine. Excellent balle au pied (meilleur donneur d’assist de l’équipe et meilleur donneur de passés clés en Premier League), le latéral anglais est le principal relais de Howe sur le terrain. Sans oublier Fabian Schär (défenseur avec le plus d’interceptions réussies en PL), qui est devenu une version améliorée de lui-même depuis le changement de manager, Sven Botman arrivé cet été, ou encore Dan Burn, épatant au poste d’arrière gauche.

Une défense béton qui fait presque tout parfaitement. Notamment grâce à un pressing agressif sur l’adversaire tout en gardant un bloc très compact, ce qui limite les possibilités d’attaque de l’adversaire. La défense des Magpies est aussi passée maître dans le contrôle du trafic aérien avec trois grands échalas avec Burn, Botman et Schär, qui mesurent tous plus d’1m90 et atteignent chacun un taux de duels aériens gagnés de près de 70 %. Le seul bémol, indirectement lié à cet avantage physique, est le nombre de buts élevés pris sur corner (6).

Dans l’entre-jeu, c’est le Brésilien Bruno Guimarães qui fait la loi. Dans un premier temps placé à peu près à tous les postes du milieu dans un premier temps, il s’est finalement établi dans l’axe cette saison. « Je joue numéro 6, un peu en retrait, même si je préfère jouer 8, a confié le Brésilien dans une interview pour la Premier League fin octobre. C’est intéressant aussi parce que je peux aider à ressortir les ballons. J’apprends de nouveaux rôles avec Eddie. » Doté d’une qualité technique hors-norme, il est passé maître dans l’art de la conservation du ballon, jouant avec son corps ou en anticipant les intentions des adversaires

Enfin, l’attaque, pourrait être considérée comme le « point faible », en tout cas vu son rang au classement (6e meilleure attaque). En effet, l’équipe n’a marqué que 17 buts sur jeu dominant placé. C’est beaucoup moins que les autres équipes du top comme Arsenal (43) ou Manchester City (36). Pour palier ce manque de construction dans le dernier tiers, l’équipe s’est montrée redoutable en ce qui concerne les tirs hors rectangle avec 12 buts marqués de la sorte. C’est tout simplement le meilleur élève dans ce domaine en Premier League. Par contre, Newcastle marque plus facilement sur jeu dominant rapide (10) et en reconversion rapide (9). Grâce à ces transitions rapides, les offensifs se régalent. Almiron, meilleur buteur avec ses 11 buts, Wilson (10 buts) et Isak (8 buts) sont les grands animateurs de l’attaque.

Il serait injuste de ne pas mettre en avant le travail d’Eddie Howe, pion central dans cette réussite. L’ancien manager des Cherries est d’ailleurs reconnu pour son éthique de travail et sa capacité à fédérer. Et ne lui parlez pas d’argent, car selon lui, la source de la réussite des Magpies est autre. « Je l’ai toujours dit, notre succès n’est pas du tout basé sur l’argent. Je vois le travail, l’esprit et la cohésion du groupe, ce que chaque joueur donne à la cause. Lorsqu’une équipe réussit, ce n’est pas grâce à une seule chose, c’est grâce à un collectif et à de nombreux aspects différents », avait-il déclaré au moment d’affronter Manchester United en finale de la Coupe de la Ligue.

Champions League et fair-play financier

Sauf catastrophe, Newcastle devrait se maintenir dans le top 4 et donc se qualifier pour la phase de groupe de la Ligue des Champions. Cela impliquerait de construire une équipe digne de la compétition. Vu les moyens du club, on se dit que Newcastle va inonder le marché de Livres. Mais le fair-play financier sera là pour calmer les ardeurs de Yasir Al-Rumayyan, président, et Amanda Staveley, membre du board, les deux figures médiatiques du club. En effet, Newcastle ne pourra pas dépenser sans compter vu les nombreux leviers visant à réduire les dépenses des clubs riches.

Cependant, les dépenses liées au fair-play financier sont calculées sur une période de trois, ce qui aidera Newcastle à étaler ses frais. Sans oublier les recettes supplémentaires liées à une qualification européenne et un nouveau contrat de sponsoring qui prendra effet au début de la saison prochaine. Tous ces éléments devraient permettre aux Magpies de mener une politique de transfert ambitieuse. « Des sources internes et externes au club ont déclaré qu’il y avait eu un changement clair de stratégie, Newcastle étant désormais prêt à avancer ses dépenses, anticipant une augmentation des flux de revenus grâce au football européen et à une série de nouveaux sponsors, ainsi qu’à de futures ventes de joueurs, afin de s’assurer qu’ils n’enfreignent pas les règles du fair-play financier », résume le Telegraph.

De son côté, Howe a indiqué qu’il ne voyait pas pourquoi le club changerait une politique qui a fonctionné par le passé. Reste à voir si les envies de réussir en Europe pousseront les dirigeants à adopter une stratégie plus agressive sur le marché des transferts. Mais il suffit de jeter un œil sur Londres et Chelsea pour se rendre compte qu’à court terme, cela ne fonctionne pas. Il serait même dommage de voir un club, qui a eu la tête sur les épaules jusqu’ici, devenir un stéréotype de nouveau riche.

Mais avant de penser Europe, il faut s’assurer d’avoir le ticket doré. Cela passe par un match capital face à Tottenham (en direct dimanche 15:00 sur VOOSPORT WORLD). En cas de victoire, les Magpies repousseraient les Spurs à 6 points, tout en comptant un match de moins. De quoi déjà commencer à faire résonner l’hymne de la Ligue des Champions à St James Park.